C’est un peu l’actualité oeno du moment, l’attaque en règle de ce cher M. Bettane contre les vins naturels. Je ne m’amuserai pas à citer toutes les phrases qu’il a données (de nombreux blogs d’amateurs de vins naturels l’ont fait pour moi), mais dans l’idée, notre grand critique de vin français a démonté les vins naturels, qu’il trouve trop oxydés, mauvais, puants…et j’en passe.

Sans être un ayatollah du vin naturel (loin de là), ni du vin « artificiel » (je ne sais pas, c’est bien cela l’antonyme de naturel non ?), je dois admettre que l’attaque est rude, brutale, frontale et pas forcément argumentée. Cela étant dit, tout n’est pas à jeter non plus dans sa vision.

J’aime jouer l’avocat du diable, et tout comme pour le bio, le tampon « Certifié Vin Naturel » n’a pour moi de valeur que pour le manichéen de base. Il faut dire que c’est facile de penser en blanc ou noir. Il y a les gentils et les méchants, les chefs d’œuvres du cinéma et les navets, les bons vins et les mauvais. Sauf que cette vision ne tient pas, et même Dark Vador (3e plus grand vilain de l’histoire du cinéma selon l’honorable American Film Institute) montre au final qu’il y a encore du bon en lui.

Dark_vador_et_lukeEt on ne peut pas retirer à M. Bettane qu’effectivement, il y a des vins naturels qui n’incitent pas à les aimer. Oxydation précoce, vins difficiles à déterminer (je viens de boire un rouge ou un rosé ? Ah, c’était un blanc ? – c’est du vécu), parfois rebutant… On peut me rétorquer que c’est mon palais qui n’est pas habitué. Soit. Mais n’empêche. C’est mauvais, et ça ne me fait pas marrer, surtout à 10-15€ la quille (pour des bouteilles parfois passables sous les 5€…surtout pas plus). Et avec la mode de ces vins naturels, ces exemples sont de plus en plus présents, au grand drame de beaucoup qui, pensant « Naturel » comme gage de qualité, ne font que s’adapter à une mode. Et comme dans toute mode, le médiocre est roi.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. J’aime des vins natures (si si, promis). J’adore la folie des Foulards Rouges, la vivacité et la complexité des champagnes de Tarlant, la finesse des Saumur de Mélaric ou la solidité des Beaumes-de-Venise de la Ferme Saint-Martin. Comme quoi, je ne suis pas un indécrottable idiot qui n’a rien compris à la vie, juste un amateur de vin qui aime boire de bonnes choses, en dehors des diverses chapelles et clichés du monde du vin (et Dieu sait s’ils sont nombreux).

ferme_saint_martinDonc non, un vin naturel n’est pas bon par défaut, ni mauvais par défaut. Le fait de faire une agriculture biologique, des vendanges manuelles et d’éviter à tout prix le soufre (en gros, les trois piliers du vin naturel) n’est pas gage de bon vin. Tout comme utiliser des pesticides, des machines à vendanger et du soufre ne vous garantit pas une piquette infâme (goûtez un Château Maucamps pour voir).

Par corollaire, l’attaque de M. Bettane n’est pas totalement injustifiée. Si vanter le vin naturel revient à valoriser de mauvais vins sous couvert d’une philosophie, aussi positive fusse-t-elle, est une aberration, à l’inverse, ne jurer que par les notes de Parker, un certain type d’agriculture, de méthode de vendange, l’âge du propriétaire ou la couleur des yeux du maître de chai est tout aussi crétin. Un film n’est pas meilleur s’il est tourné en pellicule ou en numérique, et le noir & blanc n’est pas gage de qualité.

casablanca

Ici, c’est du bon, très bon noir et blanc !

Définir que quelque chose est bon ou mauvais a priori dans le monde du vin paraît aberrant. N’est-ce pas un univers que l’on aime justement pour sa complexité ? Et classifier a priori ne revient-il pas à se renfermer ? A réduire le champ de ses possibles, mais aussi son monde (c’est décidé, maintenant je ne traîne qu’avec des amateurs de vins naturels/bio/parkerisés/du Nouveau Monde – rayez la mention inutile -, les autres sont de sombres abrutis) ? Et donc à renier finalement cette notion de partage, si importante aux yeux de tous dans le monde du vin ?

J’aime passer du temps dans des bars à vins naturels (comme dans ceux spécialisés dans les vins du Nouveau Monde d’ailleurs), mais j’adore aussi user mes fonds de culottes dans d’autres bars à vins qui font de tout. Car j’aime le vin, et aimer le vin, c’est le découvrir, en découvrir toutes les facettes, découvrir ce que l’on aime et ce que l’on n’aime pas. C’est justement aller au-devant de l’expérience, pour profiter, prendre du plaisir et se marrer avec des gens que l’on aime. Et le communautarisme, qu’il soit politique, religieux ou oenophilique ne m’a jamais fait marrer.

A bon entendeur…