Pour me faire pardonner de mon silence de vendredi et lundi dernier, c’est aujourd’hui un article double,retour d’expérience ET critique de dégustation que je vous propose.

J’ai participé vendredi et samedi dernier au concours des vignerons indépendants en tant que jury. Pour information, ce concours intègre plus de 5000 vins et compte 6 sessions comprenant plus de 300 jurés. Bref, du beau boulot. J’étais donc un de ces jurés sur deux sessions.

Je n’appréhendais pas trop la dégustation à proprement parler, mais plutôt mes éventuelles relations avec les autres jurés (nous sommes 4 jurés par table). Effectivement, les quelques sessions préliminaires que j’avais faites étaient plutôt inquiétantes. J’ai quand même entendu des futurs jurés dire qu’un vin sentait la crevette et le papier journal (sic) !

vieux papier journal
Je me suis retrouvé lors de la première session à déguster 24 vins des appellations Fitou, Cabardes et Côtes du Roussillon. N’ayant pas une connaissance encyclopédique sur ces A.O.C, je me suis limité à juger la qualité intrinsèque de ces vins, m’appuyant sur mes connaissances de la région (et notamment des Côtes du Roussillon des Foulards Rouges). Les autres jurés étant compétents, nous n’avons que très peu discuté autour des vins, déjà car nous en avions 24 à déguster en moins de 2h, mais aussi car nos avis étaient souvent concordants, évitant donc toute prise de bec.

La seconde session était plus « cool » avec seulement 17 vins (toujours en moins de 2h), et surtout sur les appellations Rully, Montagny et Mercurey, 3 appellations de la côte Chalonnaise (Bourgogne pour ceux qui ne suivent pas) que je maîtrise et apprécie énormément. J’ai partagé le jury avec deux personnes de mon âge, curieuses mais pas forcements très connaisseurs, et un murisaltien (habitant de Meursault) très sympathique, connaisseur, amateur… Bref, un vrai plaisir que d’échanger avec lui autour des grands monsieurs de la Bourgogne et d’ailleurs (mais surtout de la Côte de Beaune). Une excellente session encore où les avis ont rapidement convergés autour de vins dont un qui sera abordé plus bas.

verre_de_bourgogne
Ce que j’ai appris de ces deux sessions ? Déjà qu’il ne faut vraiment pas s’attacher à l’étiquette. Tous les vins dégustés étaient cachés sous une grande « chaussette » qu’il est formellement interdit de soulever. Tous les vins sont alors égaux, nous ne connaissons que leur millésime et leur A.O.C. Mais alors quel étonnement (quoique) de voir des Montagny 1er cru complètement aux fraises alors que de « simple » Rully sont juste brillants. Quasiment aucun 1er cru n’a reçu de médaille dans mes jurys, presque toujours décevants par rapport aux vins « plus simples » goutés à côté.

Un second apprentissage a été celui de voir que bien souvent, il est facile de différencier les vins. Même si je le savais déjà, il ne m’avait jamais été donné de goûter en un très court laps de temps entre 5 et 10 vins d’une même appellation. Et encore mieux (et ça va nous réconcilier avec l’espèce humaine), on obtient assez souvent un jugement net avec les autres membres du jury. A l’exception de quelques types de produits (je pense par exemple aux Bordeaux qui peuvent se faire « parkeriser » et aux champagnes), le choix du meilleur vin es plutôt net. Pourquoi ces deux exceptions ? Tout d’abord le Bordeaux car on est ici confronté à une scission à la limite de l’idéologique. Un vin « parkerisé » (comprendre terriblement boisé et très chargé aromatiquement, issu de raisins surmûris) est communément considéré comme « bon », et seuls quelques ayatollahs dont je fais partie vont critiquer ces vins, exigeant de retrouver un terroir au détriment d’une patte d’œnologue reproductible à l’infini.
Pour les champagnes, l’attribution des médailles sera aussi plutôt dure car on est de la même façon confronté à deux visions distinctes : celui qui le voit comme un vin de fête, qui doit donc être formaté, sans défaut, mais aussi sans qualité. En face, d’autres vont rechercher dans le champagne ce qu’ils aiment dans le vin : une complexité, une maturité et une profondeur. Un de mes proches ayant été jury sur les champagnes s’est vu dire au sujet d’un champagne tendrement brioché qu’il avait le goût de « beurre rance ». Dommage, car c’est ce goût que beaucoup recherchent dans un Bollinger R.D, un Gosset Celebris ou une cuvée des Enchanteleurs d’Henriot. D’ailleurs, face à ces vins, celui qui aurait vu, à l’aveugle, du « beurre rance », y verra un champagne brillant. L’étiquette nous trompe tous, ne l’oublions pas.

champagne
Enfin, je tiens à le dire avec une certaine fierté, j’ai eu le plaisir de constater que je pouvais déguster un grand nombre de vins en un court laps de temps sans perdre (trop) mes capacités et mon sens critique. Il faut le dire, un vendredi soir, 24 Fitou, Cabardes et Côtes du Roussillon, ça vous laisse le palais en compote et vous n’avez qu’une envie : dormir car cela épuise. Mais vous l’avez fait, je l’ai fait, j’ai réussi, et c’est vraiment cool 🙂

En un mot comme en cent, je suis prêt à remettre le couvert dès demain !

Et comme je sais que vous êtes curieux et que vous voulez savoir si je suis tombé amoureux d’un vin durant ces séances, et bien la réponse est oui. De manière « classique », je suis tombé bien sûr amoureux d’un bourgogne, je suis vraiment trop faible dès que l’on aborde cette région.

Et comme je suis un vicelard, je vais vous faire patienter comme j’ai dû le faire pour connaître ce vin.

Bouteille secrete
La dégustation de Rully blanc fut géniale. Durant les 4 premières bouteilles, chacune semblait meilleure que la précédente, déjà brillante. Un plaisir pour le palais. Évidemment, la série n’a pas été infinie, cependant un des Rully sortait clairement du lot.

D’une superbe couleur dorée, il se montrait déjà au nez excellent, avec des notes florales, déjà briochées (rare pour un millésime 2010), et présentait des tonalités minérales laissant présager une belle longueur en bouche.

Et la bouche fut à la hauteur de son nez. On y retrouvait bien tous les arômes (bien qu’encore sur la retenue, ne demandant qu’une chose, attendre quelques années pour s’étoffer). Le vin se montrait gras et souple sans perdre son tranchant, la minéralité bien présente confirmant ce beau potentiel de garde, et d’évolution.

La meilleure note que j’ai attribuée durant ces deux sessions et 41 vins : un 17 (oui, je suis un peu vachard sur les notes depuis toujours). Mais en gros, une médaille d’or bien méritée.

Soucis : impossible de soulever le cache de la bouteille (interdit par les règles du concours), donc avant d’acheter quelques flasques, je me voyais dans l’obligation d’attendre la publication des résultats. Comme il n’y avait qu’un jury de Rully, je savais que la médaille d’or serait ce ravissant flacon.

Flacon qui, maintenant je le sais, est un Rully 2010 du Domaine de l’Ecette, basé à Rully même. Au vu de son prix très avantageux (moins de 15€ très visiblement), inutile de vous dire que je vais en charger quelques unes en cave… Et vous conseille très vivement d’en faire de même 😉

Maintenant, je n’ai qu’une envie, refaire ce type de concours !!!

Source photo : MorgueFile