Ce mois-ci, c’est Maïlys qui endosse le rôle de glorieuse présidente des vendredis du vin avec un sujet passionnant, celui de la patience.

Envie de parler de « vieux » vins qui valent le coup d’attendre ? Envie de nous conter une verticale qui vous a particulièrement marqués ? Envie d’évoquer la patience nécessaire dans l’apprentissage du vin ou encore dans le travail du vigneron à la vigne ou au chai ? Envie au contraire de faire l’éloge de l’impatience ? Tout est permis

Tout est permis, une des phrases les plus ingérables de l’univers. Cela commence par un « Okay, je peux faire ce que je veux ! » pour finir sur un « Damned, qu’est-ce-que je vais bien pouvoir faire ??? ».

Après 3 nuits blanches et bien des sueurs froides (oui, je prends les VdV très à cœur), je ne savais toujours pas de quoi parler.

Évidemment, j’ai pensé à aborder le sujet de l’année 1914 sur les Cognac Grosperrin, ou encore de ce Rivesaltes de 1933. Mais finalement, c’était trop facile. Parler de patience quand finalement, je n’ai pas vraiment attendu, c’est un peu cheaté.

Puis l’idée m’est arrivée, et je vais vous parler de patience autour de deux exemples différents, et ce qu’est pour moi est la patience dans le monde du vin… Vous êtes prêts ? Allons-y.

Dom Ruinart Rosé 1990

dom_ruinart_1990

Voilà la bête

Ce Dom Ruinart, c’est un peu un vieux copain qui me suit depuis 2008 maintenant. Je l’ai découvert lors d’une présentation de la maison de champagne quand j’étais encore à l’école, à Reims. Je dois dire que j’avais bien aimé ce champagne alors, vineux, une belle structure et des arômes complexes.

De joie, j’en avais alors acheté une bouteille à l’été 2009 pour un repas autour des champagnes millésimés (un quart de siècle, ça se fête). Accompagnant une saltimbocca de veau, il était un peu en retrait. Moins de fruit, moins de volume. Pas de défaut, mais il faisait moins rêver qu’avant. D’autant plus que la concurrence était dure avec un Gosset Celebris de la même année qui fut ouvert en même temps.

J’ai donc oublié ce Dom Ruinart… jusque très récemment. Repas dans un très sympathique bistrot dont je suis tombé amoureux à quelques pas de Montparnasse. Indice : le nom du restaurant est le même que celui dun petit reptile qui change de couleur. Grand moment de cuisine, et de vin. Servi sur une marmite de purée aux truffes, j’ai retrouvé par hasard mon vieux copain Dom Ruinart 1990. Sauf que là, il était au rendez-vous, frais et dispo. Un peu comme une seconde jeunesse.

truffes_puree_marmite

Tout le noir là, c’est de la truffe…DE LA TRUFFE !

Parfait sur ce plat, il savait on ne peut mieux s’accorder avec la puissance de la truffe et la douceur de la purée. Sa vivacité vous réveillait le palais, et une fois avalé, il faisait place au retour de la truffe qui venait échanger avec la longue finale du champagne…époustouflant accord met/vin, certainement un des meilleurs depuis quelques années.

Ici, vous l’aurez remarqué, la patience a été de mise pendant 6 petites années. 6 années avant de retrouver mon vieux copain le Dom, en accord avec un plat qui n’attendait que lui. La patience d’attendre LE plat idéal… et vraiment ça valait le coup d’attendre.

Corton Charlemagne Louis Latour 1978

Seconde éloge de la patience… après la patience de découvrir le plat idéal, la patience de déguster avec les gens que l’on aime.
Cette bouteille de Corton Charlemagne n’est pas à moi, mais à la famille d’un très bon ami. Cachée depuis quelques années dans une trappe de la cave (si si, je vous le promets), elle attendait le bon moment pour être ouverte, et dégustée.

J’ai eu l’immense chance d’être convié pour sa dégustation, après 35 années de sommeil. La bouteille fut donc posée sur la table. Ce doré quasiment ambré, ces arômes de fruits un peu confits associés au beurre, la brioche, les épices…  Et si je dois donner un commentaire sur les sensations données par ce vin ? Waou ça compte ?

corton_charlemagne_1978

L’étiquette a fait preuve de patience elle aussi…

Il y a des fruits dans ce vin, un gros côté lacté, du champignonneux, une complexité de folie, du gras comme on l’aime… et le tout sans perdre de sa longueur, de sa finesse…Je pourrais en parler des heures.

Un vrai grand moment donc.

Mais aussi et surtout un moment partagé avec des proches.

Cette bouteille perdue volontairement dans sa cachette a été sortie pour célébrer. Son ouverture même était un évènement, une célébration.

Pas un anniversaire, pas une fête. Non, juste le plaisir de se retrouver au bon moment, avec les bonnes personnes (dont, oh joie, je faisais partie).

Et c’est là que toute la patience se joue, car une bouteille, on ne doit pas juste attendre sa maturité optimale pour la boire. Condition nécessaire, mais pas suffisante.

Cela me rappelle le film Sideways : L’ouverture de certaines bouteilles est un évènement en soi. Toute la patience réside donc dans l’attente du meilleur moment :

Celui où sont présents ceux avec qui on veut la boire.

Patience pour trouver le moment idéal donc.

Ainsi que le plat idéal.