Les fêtes de fin d’année approchent, et avec elles l’organisation des divers repas de Réveillon. Moments toujours complexes au niveau du vin : soit vous organisez cela chez vous (avec tout le bordel que cela implique), soit vous apportez le vin, soit vous n’êtes pour rien dans le choix de ce dernier. Et dans ce cas, l’exercice devient terriblement difficile quand arrive le temps de devoir, vous, l’amateur de vin, donner votre avis sur ce  « super petit producteur que je connais, goûte et je t’en dirai des nouvelles ». Bref, voici quelques idées pour vous sortir de cette situation en apparence inextricable…

La technique fraîcheur

« Non il est bien ce vin, très frais, vraiment ».

Attention, cette technique ne marche que sur un vin blanc, rosé ou effervescent. A ne pas tenter sur du vin rouge évidemment. Je ne sais pas pourquoi, mais le qualificatif de « frais » est souvent vu comme une qualité. En fait, vous vous dites que passé au congélo et à -5°, avec tous les arômes complètement anesthésiés, le vin pourrait être buvable, mais cela serait une autre histoire…

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A température ambiante dans cet hôtel, ton vin serait excellent !

La technique tannique/cinéphile

« Très corpulent ce vin, faut avouer que c’est plutôt une boisson d’homme ».

Je passe sur le côté sexiste de la remarque pour vous indiquer que vous vous en sortez ici par l’humour d’Audiard. Car il n’est nullement question d’un grand Irouleguy ici. Non, ce vin que vous avez en bouche fait fuir vos gencives qui cherchent à rejoindre au plus vite votre mâchoire et vous avez la sensation qu’une armée d’orcs tannins digne du Seigneur des Anneaux tente de prendre le Gondor sur votre langue. Attention, ne marche que sur les rouges.

La technique œnologue averti

«  On sent bien l’élevage dans ce vin, il a été vieilli en fût de chêne non ? »

Alors là, c’est super fourbe. Déjà car 95% des vins vendus en grande distribution se revendiquent d’élevage en fûts de chêne, donc vous ne prenez aucun risque. De plus, vous en profitez pour passer pour un expert qui est capable de voir ça à l’aveugle (mais si, vous en êtes capable). Et derrière cette jolie phrase, vous sous-entendez clairement que le vin a été vieilli sur de la planche, un bel élevage pas du tout maîtrisé qui vous donne la sensation de courir nu dans une forêt où vous léchez avidement tous les arbres les plus secs en espérant voir une cagette magique qui sera certainement encore plus goûtue. Fourbe, je vous l’avais dit.

La passe à 10

« Je pense que je vais le laisser s’aérer afin qu’il révèle ses arômes »

Là, vous jouez officiellement la montre. Technique complexe car il s’agit d’anticiper que votre hôte va oublier cette réflexion dans la prochaine heure. Car oui, même après cette « aération », vous savez que le vin restera mauvais, on n’y peut rien. Donc vous n’y aurez pas touché. Bref, vous pariez sur la mémoire immédiate et/ou le taux d’alcool dans le sang de celui qui vous propose le vin, c’est fourbe.

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« Nous on est les stars de la passe à 10 ! »

La technique du malade/fatigué

« Non mais là je suis un peu malade/pas dans mon assiette/fatigué, je ne vais pas trop boire. »

Marche quand vous refusez après 3h d’aération que l’on complète votre verre encore à moitié plein. Ou quand on vous demande au dessert pourquoi votre 1er verre de champagne a à peine été entamé. Cette technique marche plutôt pas mal. Après tout, personne ne veut faire souffrir un mourant. Par contre, évitez de danser la zumba 10 minutes après, votre crédibilité en prendra un sacré coup.

La technique INPES

« J’arrête là, merci, après ça sera le verre de trop, et je rentre en voiture hein ! »

Ne marche pas si vous prenez le métro. La seule technique approuvée par les pouvoirs publics.

La technique hygiéniste (ou technique Reynaud)

« Je ne bois pas de vin, c’est mauvais pour la santé et cause de tous les maux de la Terre »

Attention si vous êtes face à certains « hédonistes décomplexés » comme tous les bloggeurs et journalistes vin. Encore plus face à un certain Jacques Dupont du Point. Et puis de toute façon, vous n’êtes pas crédible, tout le monde sait que vous aimez le vin, vous en avez amené une bouteille en arrivant.

La technique gourmet

« Ce vin est très chouette, mais je trouve qu’il ne s’accorde pas très bien avec le plat, donc je préfère le mettre de côté pour le goûter tout seul ».

Joli coup. En effet, vous flattez votre hôte (son vin est bon), tout en émettant une critique que personne ne prendra mal, à moins que votre hôte ne soit un sommelier d’un trois macarons Michelin. Qui se sentirait coupable de n’avoir pas fait un accord met/vin parfait ? Très peu, car on sait la technique difficile.

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« Mais je suis un esthète moi monsieur ! »

La technique flatteuse

« J’adore ce vin, je me le laisse de côté pour la fin du repas, c’est un vin qui se suffit à lui-même ».

Ne marche pas en fin de repas, of course. Pour le reste, vous flattez votre hôte, lui indiquant que son choix de vin est excellent, tellement que manger en le buvant est un scandale. Attention, cela nécessite de savoir mentir avec brio.

La technique 60 millions de consommateurs

« La bouteille coûte combien ? 2€ ! C’est vrai que l’on est face à un très bon rapport qualité/prix »

Encore une technique à double tranchant. Si l’on comprend le second degré, vous êtes quitte pour finir avec un tesson de bouteille sur le coin du museau. Si on s’arrête au 1er, on vous resservira. Définitivement une mauvaise technique donc (mais quels conseils pourris il nous donne Tom…).

La technique mesquine

« Il est très bon ton rosé pamplemousse/rouge framboise/blanc pêche, c’est la marque de distributeur Ca*****ur ou Au**an ? »

Ici, tout réside dans la connaissance de votre hôte. Si vous le savez connaisseur, vous passez objectivement pour un salaud. Il va certainement prendre la mouche, voire vous dégager à grand coup de pied au c*l (et vous l’aurez bien mérité). S’il n’y connaît rien, vous avez une chance qu’il réponde : « Non non, c’est un petit producteur vachement chouette, mais c’est vrai que l’arôme de pamplemousse/framboise/pêche est bien là hein, c’est dingue ! ». Il est maintenant temps pour vous de hocher la tête et d’attendre patiemment que son niveau d’alcool dans le sang soit assez haut pour qu’il oublie que vous avez laissé le vin « s’aérer ». (Notez le magnifique enchaînement de techniques, le vrai Zizou de l’esquive œnophile).

La technique chef de produit

« Tu l’as trouvé où ce vin ? En bas du rayon non ? »

On a envie d’ajouter « entre les bibs de Baron de Lestac et la Villageoise, c’est ça ? ». D’ailleurs, on le sous-entend tellement que l’ajouter ne changerait presque rien, sauf si ceux qui vous invitent ne savent rien de la disposition des produits en supermarché. Bref, aucune chance donc.

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« Tout en bas du rayon même ! »

La technique linge sale en famille

« Ce vin est une merde, je refuse d’être traité comme ça, chéri, prends ton manteau, on s’en va ! »

Est-ce la peine d’épiloguer ? Vous profitez du vin pour fuir le repas et/ou conclure un argumentaire un peu musclé. Et en plus, vous avez toujours rêvé de dire ça, c’est l’occasion non ?

La technique honnête

« Sérieusement ? Je le trouve très moyen ce vin, tu es sûr que tu ne veux pas ouvrir la bouteille que j’ai apportée plutôt ? »

Parce que des fois, être honnête est ce qu’il y a de mieux. Et on vous connaît, vous n’arrivez jamais les mains vides, toujours avec une jolie bouteille. C’est l’occasion de l’ouvrir non ?
Sur ce, je vous souhaite un excellent Réveillon de Noël, avec de jolies bouteilles, et je souhaite de tout cœur que vous n’ayez à essayer aucune de ces techniques 😉